L'époque Romaine
Rappel Historique
Les Romains prirent possession du sud de la Gaule dès le Ier siècle avant Jésus-Christ donc un siècle avant la conquête du nord par César. Ils créèrent alors la province de Narbonnaise. C'est à ce moment là que furent introduit dans ce territoire encore sauvage les principales structures de la "civilisation" :
Le site de Boussargues du Ier au Vème siècle
Le site fut occupé dès l'arrivée des romains qui y implantèrent une villa orientée en partie vers la viticulture en raison de son ensoleillement exceptionnel. Aujourd'hui encore les nombreux témoignages archéologiques mis à jour témoignent d'une intense activité agricole dès l'antiquité. L'antique villa fut probablement édifiée à l'emplacement du château actuel ou dans ses environs. La découverte de matériaux de réemploi romain découverts dans les murailles médiévales l'atteste.
Sur le site les romains développèrent une importante activité religieuse autour de la source. L'eau dans ces régions sèches était synonyme de vie. C'est elle qui permettait le développement agricole. Les romains donnaient aux sources une dimension religieuse. Ils en adoraient en particulier les nymphes qui selon eux y avaient élu domicile. A Boussargues les Romains aménagèrent la source pour les besoins agricoles (construction de canaux d'irrigation encore visibles aujourd'hui) et ils construisirent de petits édicules (sortes de temples miniatures) richement décorés dédiés aux dieux.
La chute de Rome en 476, l'effondrement de l'empire romain et les invasions barbares marquent la fin de la "pax romana" et le retour de l'insécurité. Les anciennes "villae" sont abandonnées ou fortifiées. Cela semble être le cas à Boussargues où progressivement la villa cède la place au château médiéval qui devient le nouveau coeur de l'exploitation agricole qui elle, se maintient.
La stèle Romaine
Promenez-vous dans ce magnifique lieu, où chaque pierre est un comte sur notre histoire. Passez par la cour intérieure du château afin de découvrir et admirer la stèle romaine, rare vestige traversant les âges pour parvenir jusqu'à nos jours. Cette stèle païenne mortuaire date approximativement du IIème siècle, car aucune datation précise n'est inscrite.
Au début de l'Empire, le tombeau prend une signification plus religieuse que par le passé, et l'inscription est conçue comme une dédicace aux Dieux Mânes, divinités collectives qui symbolisent l'esprit des morts.
D'ailleurs, tous les ans, à la date anniversaire de la mort, lors de la fête des Parentalia avaient lieu des commémorations privées près des tombeaux familiaux organisées en souvenir du mort, au cours desquelles on célébrait les Mânes.
Cette stèle indique aussi la romanisation de la Gaule dans le domaine de l'art et des coutumes funéraires. Aux Ier et IIè s ap JC, les incinérations dominent, mais dans la deuxième moitié du IIIème siècle, les inhumations l'emportent.
Dans l'inscription funéraire, la dédicace aux Mânes se présente en tête, en toutes lettres, Diis Manibus, ou abrégée en D M. ce qui est notre cas. Le mot Mânes remplace, à partir de l'époque impériale, l'expression ancienne divi parentum pour désigner les défunts de la famille.
Le mot s'interprète en général par euphémisme comme le pluriel de manis et signifierait "les dieux bons".
Traduction de l'épitaphe sur la stèle : " A Julie Quintiella ma fille bien aimée "
L'époque médiévale
Les structures politiques se transforment avec le développement de la féodalité. Repliés dans leurs châteaux, les seigneurs récupèrent les pouvoirs politiques de l'empire défunt. Les luttes féodales augmentent le climat d'insécurité et justifient un peu plus le mouvement de fortification. L'édification des bâtiments actuels s'échelonne du XIIème siècle (donjon et fortifications) au XVème siècle (corps de logis) et viennent en remplacement de fortifications plus anciennes. La seigneurie de Boussargues passent alors entre les mains des Templiers puis des seigneurs de Sabran. C'est aussi à cette époque que les villageois sont autorisés à construire près des remparts de petites habitations dont certaines nous sont parvenues et qui aujourd'hui sont louées pour les gîtes.
Les structures religieuses se transforment elles aussi. Déjà les empereurs romains convertis au christianisme depuis Constantin avaient amorcé un processus de conversion de l'empire. Les villes, situées près des grands axes de circulation furent les premières touchées. La christianisation des campagnes fut plus longue car plus éloignées des grandes voies de circulation mais aussi parce que les populations locales restaient profondément attachées à leurs cultes traditionnels.
A Boussargues le passage s'effectue vers le VIIIème, IXème siècle. Les édicules romains sont détruits et remplacés par une chapelle. Le but des autorités religieuses d'alors est double : marquer la victoire du christianisme sur le terrain avec la construction de la chapelle et la destruction des édicules, et donner de nouvelles "habitudes" religieuses aux populations locales en occupant le vide spirituel provoqué par la disparition des anciens lieux de culte.
Au XIIème siècle le site est définitivement christianisé et comme pour mieux marquer le passage d'une religion à l'autre, les riches décorations des édicules détruits et laissées sur place sont réutilisées comme éléments de décoration dans la somptueuse chapelle romane que l'on construit. Cette chapelle est aujourd'hui classée monument historique et on peut toujours y admirer les magnifiques frises romaines qui constituent sa corniche intérieure et dont on retrouve aussi des fragments en façade.
Du XVème siècle à nos jours
Avec la pacification liée à l'affermissement du pouvoir royal au XVème et XVIème siècle, le château de Boussargues qui était plus le siège d'une petite garnison militaire qu'une véritable résidence de prestige perd de son importance. Peu à peu le site sombre dans un profond sommeil et le château abandonné de ses soldats et de son seigneur menace ruine. Il devient le rendez-vous des chasseurs et quelques fermiers maintiennent une maigre exploitation viticole pour le compte de la famille Constant qui l'achète au XIXème siècle.
C'est Chantal Constant-Malabre qui dans les années soixante récupère la propriété familiale. Elle entreprend un colossal travail de restauration et redonne au château toutes ses lettres de noblesse en respectant scrupuleusement les structures médiévales. Parallèlement son fils Olivier restructure l'exploitation viticole héritée de l'antiquité romaine et qui malgré les aléas de l'histoire s'est toujours maintenue.
Avec ses deux cents hectares, le château de Boussargues est le témoin d'une histoire prestigieuse qui dépasse le cadre local. Les différentes étapes qui marquèrent l'histoire de France des origines à nos jours laissèrent aussi leur empreinte sur le site.
Restées inchangées depuis le Moyen Age les structures de la seigneurie de Boussargues invitent le visiteur attentif à un extraordinaire voyage dans le temps.